Ebook cassé, c’est la fessée

Ce matin, le Bookeen refuse de fonctionner : seule la moitié inférieure de son écran affiche du contenu, que ce soit la liste des titres ou le texte d’un ebook. Rien à faire. Coincé ou cassé, il est en panne. Il n’a pas un an.

Nous savons tous que le matériel, ça tombe en panne. Mais ce n’est pas n’importe quel matériel, c’est un objet qui prétend remplacer le livre. Or, dans mon esprit du moins, un livre est une chose qui dure, et qui durera même plus longtemps que moi :

Rabelais Bookeen
À côté du Bookeen, une édition de Rabelais, de 1955. Un livre en parfait état, malgré son âge et qui est loin d’être le plus âgé des ouvrages de ma bibliothèque : c’est juste le premier qui me soit tombé sous la main.

Vous me direz que les livres sont toujours intacts dans le Bookeen (ou même dans le disque dur de mon ordinateur), que c’est juste l’appareil qui est cassé, que ça se remplace ou que ça se répare. Oui mais, sans cet appareil justement, je n’ai pas accès aux textes : sans l’appareil pour les afficher, c’est exactement comme si je n’avais pas de livres.

Vous me direz qu’un livre imprimé ça peut brûler, ça peut se déchirer, ça peut se perdre ou même se faire voler. Et là, il ne me restera que mes yeux pour pleurer.

Oui (un ordinateur aussi, d’ailleurs), mais un livre ça ne tombe jamais en panne. Si j’ai un livre en mains, je peux le lire.

On a jamais vu un livre rester bloqué sur la première page. Ou mélanger les mots de façon aléatoire après avoir été imprimé. Même déchiré, même tombé dans l’eau ou passé sous les roues d’un bus, je peux l’ouvrir et le lire. Même s’il lui manque la moitié de ses pages, même si elles se décomposent, même si l’encre est presqu’effacée, le livre continuera à m’offrir avec obstination ce qui lui reste de contenu. Il n’existe que pour ça. Il a été conçu pour ça. Faire passer du texte, et durer.

En regardant mon Bookeen si génial, avec un si bel écran, léger et qui contient pourtant des centaines d’ouvrages — mais en panne, comme si ça n’avait jamais été qu’un bout de plastique un peu cher. En appuyant vainement sur ses boutons, j’ai l’impression d’avoir perdu un peu de mon enthousiasme pour les ebooks.

Du moins, pour les textes qui ne seraient pas eux-mêmes jetables.

Peut-être, ce qui pourrait tempérer ma perte d’enthousiasme serait l’assurance de pouvoir compter sur la société qui m’a vendu la liseuse : au moment où je lui annoncerai que cette liseuse est HS, qu’elle me réponde qu’il n’y a aucun de souci, qu’elle m’envoie un bordereau de retour ainsi qu’un nouvel appareil en remplacement de celui-ci, car il n’est tout simplement pas envisageable d’être privé de lecture plus de quelques heures. Mais j’ai un doute que cela arrive : ce serait une folie de leur part.